Les Experts…

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Il ne s’agit pas d’une série télévisée… mais d’un sujet qui devrait tenir à cœur à tous les citoyens que nous sommes.

 

Au moment où l’Île de Noirmoutier et ses parages immédiats se préparent à connaître de grands travaux – nous pensons notamment aux nécessités du PPR (Plan de Protection contre les Risques), ou au projet de « Parc Eolien des Deux Îles », ou encore aux concessions d’extraction de granulats à l’ouest de l’île – il nous a semblé pertinent de nous interroger sur les avis d’experts.

 

En effet, aucun grand projet n’est entrepris sans que des experts qualifiés en étudient les conséquences à moyen et long terme. La décision finale devrait dépendre, en grande partie, de ces avis autorisés.

 

Question

Les avis d’experts résistent-ils à l’épreuve des faits.

 

 

Le dernier grand ouvrage réalisé dans l’Île a été, sans conteste, le Port de Morin. Nous l’avons pris en exemple.

La décision de construire le Port de Morin s’est appuyée sur de nombreux documents parmi lesquels figurait l’Étude d’impact.

 

 

Port de Morin – Étude d’impact…

 

Ce document a été élaboré en 1992, il y a 18 ans, par la BCEOM, Société Française d’Ingénierie.

Il comporte 60 pages et s’articule en 5 parties :

1 – Analyse de l’état initial du site et son environnement ………………………..   p. 3 à 26

2 – Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l’environ-

nement, parmi les projets envisagés, le projet présenté a été retenu …….     p. 27 à 31

3 – Description du projet retenu ……………………………………………………. p. 32 à 36

4 – L’analyse des effets du projet sur l’environnement …………………………..   p. 37 à 51

A – Période de construction                                                   p.37 à 39

B – Période d’exploitation                                                       p.40 à 51

a) Impact sédimentologique                              p. 40 à 41

b) Effet sur l’écosystème marin                        p. 42 à 44

c) Effets sur la qualité des eaux                        p. 44 à 46

d) Effets sur le site et les paysages                  p. 46 à 47

e) Effet sur le contexte socio-économique        p. 47 à 50

f) Effet sur le cadre urbain                                 p. 50 à 51

5 – Les mesures envisagées pour supprimer, réduire et, si possible, compenser

les effets dommageables sur l’environnement, ainsi que les dépenses

correspondantes ………………………………………………………………….            p.52 à 60

 

 

… sur le trait de côte de L’Épine.

 

Compte tenu des modifications subies par le trait de côte de la commune de l’Épine, observables par tous et grandement intensifiées depuis près de vingt ans, nous nous sommes reportés à ce que disaient les experts à l’époque.

Nous avons donc porté notre attention sur la partie de l’Étude d’impact qui portait précisément sur ce point : il s’agit des développements sur l’impact sédimentologique (Partie 4 – B – a  -  pages 40 et 41)

Vous trouverez ces développements in extenso, schémas inclus, en cliquant  ici

 

 

Éléments de réflexion

 

Nous sommes évidemment conscients qu’en près de vingt ans, les mentalités, les préoccupations, et sans doute les méthodes d’analyse, ont évolué. Une telle étude, rédigée aujourd’hui, serait probablement articulée différemment, et ses conclusions également pourraient être autres. C’est pourquoi notre objectif reste purement analytique, et nous nous garderons bien de tout jugement de valeur sur le travail effectué à l’époque.

 

Il est cependant possible de tirer de cet imposant document (60 pages) quelques éléments de réflexion utilisables pour l’avenir, dans des circonstances comparables.

 

1 – L’impact du port, une fois passé la période de construction, occupe 20 pages sur 60, soit le tiers du document.

 

2 – L’impact du port sur le trait de côte de l’Épine, après construction, n’occupe que 2 pages, un tiers de moins que l’impact en cours de chantier. Dans le même temps, la description de la situation existante et l’explication du projet retenu prennent 34 pages, soit 58,6% de l’étude complète (ou 6 pages sur 10). Pourtant, il s’agit d’une « Étude d’impact », et non d’un document de présentation du projet.

 

3 – Les effets sédimentologiques s’arrêtent au deuxième épi de la plage Saint-Jean : les schémas ne vont pas au-delà, et le texte ne mentionne pas d’effets entre le deuxième épi de la plage Saint-Jean et la pointe de la Loire.

Nous relevons, à cet égard, une phrase explicite (page 2 de l’extrait) :

«  Le modèle réduit sédimentologique du LCHF a montré que les différentes configurations géométriques du port qui ont été testées n’avaient plus d’incidence au-delà du deuxième épi en bois de la plage Saint-Jean. »

En d’autres termes, il n’est pas prévu que la construction du port ait un impact sur le profil des plages de la Cabane, de la Mougendrie ou des Éloux.

 

4 – L’effet « amaigrissant » de la construction de la jetée secondaire sur la plage de la Bosse est parfaitement expliqué. Mais pas au-delà.

 

5 – L’érosion des plages Saint-Jean et de la Cabane est évoqué, mais sous condition, dans la dernière partie de l’étude, et non pas dans la partie consacrée à l’impact sédimentologique : une telle érosion ne se produirait que si l’épi de la Bosse, et éventuellement le premier épi de la plage Saint-Jean, était prolongé de 100 m. à 150 m.

 

 

Tout ceci est résumé dans la brochure de présentation du projet, intitulée « Concertation pour le projet de création du Port de Morin », où l’on peut lire :  

« Au sud, on assistera à une légère érosion de la plage entre la digue secondaire et l’épi de la Bosse. La plage pourrait être rechargée périodiquement par du sable.

Plus au sud, le littoral, protégé par les enrochements existants, aura tendance à s’engraisser très lentement. »

Plus au sud… c'est-à-dire plages Saint-Jean, Cabane, Mougendrie et les Éloux : nous lisons que ces plages se rechargeront en sable, de manière naturelle. Vous avez bien lu : ces plages auront tendance à « s’engraisser » !

 

Nous pensons que la réalité n’est pas tout à fait conforme à cette optimiste prévision.

 

 

 

 

Conclusions

* Le long terme est toujours extrêmement difficile à prévoir et les marges d’erreur sont larges.

* Même en présence d’études sérieuses, documentées et professionnelles, les décisions finales n’obéissent pas toujours aux seules considérations scientifiques ou techniques. En revanche, elles relèvent toujours du pouvoir politique, décideur final (le Rapport Cousteau sur la construction du pont de l’Île de Ré, déchiré devant les caméras de télévision par l’homme au bonnet rouge, est à cet égard illustratif d’une décision politique contrecarrant un avis d’expert).

* Le citoyen, lorsqu’il est sollicité (par enquêtes publiques ou par d’autres moyens) a toujours intérêt à saisir cette opportunité et à laisser parler son bon sens pour donner un avis.

 

 

 

NB. – Si vous souhaitez prolonger votre réflexion sur ce sujet, nous vous invitons à prendre connaissance des développements de l’excellente étude publiée sur le site de 12/12, intitulé :

    Le processus de la défense contre la mer :

exemple de la côte ouest de l’île de Noirmoutier.

 

 

Un cas pratique aujourd'hui

 

Extraction de granulats à l’ouest de l’île de Noirmoutier

 

Il s’agit d’autoriser une entreprise à extraire 38 millions de m3 de sable en 30 ans au large de l’île.

 

Une enquête publique est en cours : elle se termine le 4 juin.

 

La Communauté de Communes s’est prononcée résolument contre cette concession (lire). Elle déplore que les expertises aient été « menées par les entreprises d’extraction », c’est-à-dire par ceux qui ont un intérêt direct à obtenir le permis de concession.

 

L’association « Vivre l’Île 12 sur 12 » se montre également très réticente sur ce dossier (lire). Elle écrit notamment que « comme d’habitude, le bureau d’étude chargé d’établir l’étude d’impact est rémunéré par les maîtres d’œuvre ». Autant donner au renard la clé du poulailler ! 

 

La Communauté de Communes autant que l’association 12 sur 12 relèvent l’absence d’études sérieuses de l’impact d’un tel projet sur l’environnement direct de l’île.

 

Un sympathisant nous a fait parvenir la note qu’il a envoyée au commissaire-enquêteur. Elle résume bien les données du problème et démontre, comme nous le disions plus haut, tout l’intérêt de faire connaître son opinion lorsqu’est ouverte une enquête publique.

 

 

 

Peter Ustinov a dit, un jour :

 

« Si le monde explose, la dernière voix audible sera celle d'un expert disant que la chose est impossible ! »

 

A méditer …

 

 

Publié dans Environnement

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